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Babx - La marche à l'amour (Gaston Miron)



Babx - La marche à l'amour (Gaston Miron)

Tu as les yeux pers des champs de rosée
Tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
La douceur du fond des brises au mois de mai
Dans les accompagnements de ma vie en friche
Avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif

Moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
Moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
La tête en bas comme un bison dans son destin

La blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
Pour la conjuration de mes manitous maléfiques
Moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
Pour la réverbération de ta mort lointaine
Avec cette tache errante de chevreuil que tu as
Tu viendras toute ensoleillée d'existence
La bouche envahie par la fraîcheur des herbes
Le corps mûri par des jardins oubliés
Où tes seins sont devenus des envoûtements

Tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
Où tu changes comme les saisons
Je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
A bouts de misère et à bout de démesures
Je veux te faire aimer la vie notre vie
T'aimer fou de racines à feuilles et grave
De jour en jour à travers nuits et gués
De moellons nos vertus silencieuses
Je finirai bien par te rencontrer quelque part
Bon dieu !

Et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
Par le mince regard qui me reste au fond du froid
J'affirme ô mon amour que tu existes
Je corrige notre vie

Nous n'irons plus mourir de langueur
A des milles de distance dans nos rêves bourrasques
Des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
Les épaules baignées de vols de mouette
Non
J'irai te chercher nous vivrons sur la terre

La détresse n'est pas incurable qui fait de moi
Une épave de dérision, un ballon d'indécence
Un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes
Frappe l'air et le feu de mes soifs
Coule-moi dans tes mains de ciel de soie
La tête la première pour ne plus revenir
Si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
Nouveau venu de l'amour du monde
Constelle-moi de ton corps de voie lactée
Même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
Une sorte de marais, une espèce de rage noire
Si je fus cabotin, concasseur de désespoir
J'ai quand même idée farouche
De t'aimer pour ta pureté
De t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
Dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
L'éclair s'épanouit dans ma chair
Je passe les poings durs au vent
J'ai un cœur de mille-chevaux vapeur
J'ai un cœur comme la flamme d'une chandelle
Toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
La nuit de saule dans tes cheveux
Un visage enneigé de hasards et de fruits
Un regard entretenu de sources cachées
Et mille chants d'insectes dans tes veines
Et mille pluies de pétales dans tes caresses
Tu es mon amour
Ma clameur mon bramement
Tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
Ma danse carrée des quatre coins d'horizon
Le rouet des écheveaux de mon espoir
Tu es ma réconciliation batailleuse
Mon murmure de jours âmes cils d'abeille
Mon eau bleue de fenêtre
Dans les hauts vols de building
Mon amour
De fontaines de haies de ronds-points de fleurs
Tu es ma chance ouverte et mon encerclement
A cause de toi
Mon courage est un sapin toujours vert
Et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
Tu es belle de tout l'avenir épargné
D'une frêle beauté
D'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
D'une frêle beauté
D'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre

Je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
Lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
Je marche à toi, je titube à toi, je bois
A la gourde vide du sens de la vie
A ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
A ces taloches de vent sans queue et sans tête
Je n'ai plus de visage pour l'amour
Je n'ai plus de visage pour rien de rien
Parfois je m'assois par pitié de moi

J'ouvre mes bras à la croix des sommeils
Mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
Avec mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
Je n'attends pas à demain
Je t'attends
Je n'attends pas la fin du monde
Je t'attends
Dégagé de la fausse auréole de ma vie.

© Babx - texte de Gaston Miron


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